Cascadeur : toute une histoire...

... portraits, reportages, billets d'humeur, informations, conseils, tout ce qui fait l'Histoire de la cascade mécanique.

Jean Sunny : notre Père ...

 

A tout seigneur, tout honneur ! Je ne pouvais  pas débuter cette rubrique par autre chose qu'une évocation de la carrière de Jean Sunny, qui nous a quitté le 27 août 2007. Ce précurseur du risque calculé qui a joué avec sa vie des milliers de fois a été vaincu  "tout bêtement" par un cancer,  à l'âge de 77 ans tout juste passés.

Dans les années 50, alors qu'il est marchand en bonneterie sur les foires, Jean Moussali (de son vrai nom) découvre dans la région de Niort (deux-Sèvres) un show mécanique à l'américaine, le Hollywood Auto Rodéo. Il constate l'intérêt porté par les spectateurs à ce genre d'animation. Très vite, il s'entraîne à réaliser certains de ses numéros acrobatiques, mais il va plus loin, en mettant au point le pilotage sur deux-roues en voiture. Grâce à une préparation spécifique (surgonflage des roues et blocage du différentiel), il est le premier à maîtriser une auto dans cette position, et à créer des figures sur deux roues. Il monte donc quelques spectacles dans sa région, se trouvant rapidement surnommé le funambule roulant.

Très vite, il sera soutenu par la marque automobile SIMCA, dont il utilisera des Simca 1000 et des Arianes pour l'acrobatie.

Suscitant l'intérêt des médias,  Jean devenu SUNNY met au point plusieurs numéros tels que Paris/Chartres sur deux roues en 1955, ou la descente des Champs Elysées en 1959,  escorté d'une patrouille de Gendarmes motocyclistes. Grâce aux Coulisses de l'Exploit, sa popularité atteint la France entière. Jean Sunny va encore plus loin, battant des records du monde de vitesse, 81 km/h en 1964 puis 125 km/H en 1968 au Brésil. Il multiplie les cascades telles que des percussions et des sauts dont il sera le créateur et le grand spécialiste durant toute sa carrière : il invente le fameux Saut de la Mort, ou une voiture lancée à plus de 100 km/h sur un grand tremplin s'enflamme et retombe 50 m plus loin sur un tapis d'épaves, accomplissant souvent des rebonds incroyables ! Dans les année 70, trois équipes de cascadeurs tournent toute l'année sous l'enseigne Jean Sunny !

De nombreux cascadeurs ont emboîté le pas depuis cette époque et jusqu'à nos jours. Quels que soient les exploits réalisés par certains d'entr'eux,  leurs bases restent fondées sur des numéros inventés et mis au point par Jean Sunny ! Il a été le premier, et il est resté le meilleur durant sa carrière, surtout si on  considère la qualité des véhicules de l'époque : solides, trop solides pour un bon amortissement des chocs ! Imaginez un peu l'atterrissage en Traction Avant après un vol plané de 50 m sur un tapis de voitures !

Nos spectacles actuels doivent tout à ceux créés par Sunny. Dérapages, deux-roues, mur de feu, glissade dorsale, percussion, tonneaux, grands sauts, tout était déjà à son programme en 1970 ...

Les temps ont changé. On ne vit plus du spectacle comme jadis, lorsque chaque cascadeur de Jean Sunny gagnait deux fois plus qu'un ouvrier ! Même Romuald Sunny, son fils, a dû s'adapter pour gagner sa vie autrement : cinéma, télé, publicité, il est également formateur de cascadeurs pour Rémy Julienne chez Disney. Ah oui, Rémy Julienne, l'autre grand nom de la cascade automobile Française ! à suivre ...

Evénement : Mickey Carbo chez les pros !

 

Bonjour à tous ! J'ai eu la joie de bosser ce weekend comme 2ème  pilote acrobatique sur un spectacle proposé par Frédéric Pineau. Je n'ai pas été déçu ! Nous nous connaissions un peu pour avoir tourné ensemble sur deux ou trois shows de Joe Pégourié dans les années 2000, où j'avais déja apprécié son coup de volant de grand pro. Et puis plus rien, hormis quelques échanges téléphoniques.

Début 2013 : le comité des fêtes de Montchal (42) tombe sur mon blog Jimdo (merci Google !) et me demande un devis pour un show le 9 juin. Je dis OK mais un empêchement personnel ultérieur m'oblige à "donner l'affaire" à un copain. C'est une pratique courante entre potes, et qui arrange finalement autant le cascadeur prestataire que le comité mandant. J'appelle Fred, la date et la distance lui semblent bonnes, reste à s'entendre avec le comité.

Les semaines défilent, sans nouvelle, puis un jour :

- Allô Mickey, pour Montchal, c'est bon ! Tu veux venir faire le 2ème pilote acro ? J'ai une BMW E30 pour toi.

- Tu parles que je vais venir ! Tu veux que j'amène ma Fiat Uno (cf Bobo le clown) ?

- Ouais, ça peut le faire ...

- Ok pour moi, Fred !

On s'arrange sur les modalités , on se tient au courant, jusqu'à ce 9 juin ... où je découvre dès mon arrivée à Montchal un Frédéric Pineau certes très professionnel, mais aussi un gars profondément honnête, humain, et finalement agréable à vivre. Il travaille en famille, avec son épouse Fabienne, cascadeuse "voltigeuse" (sortie sur pavillon, mur de feu ...), et son fils Enzo, stuntman moto avec un copain, Benjamin. Tous adorables,  aux petits soins pour nous, mon pote assistant Alain et moi.

Breifing très détaillé avant le show, aucun affolement, je me sens bien, décontracté !

Premiers essais sur deux roues sous le regard vif du patron, avec cette BMW que je n'ai jamais touchée (je n'ai pas mis une BM sur deux-roues depuis 2 ans), sur une piste en courbe relevée, surtout au niveau du premier tremplin, avec un fossé de chaque côté ... et premier ratage évidemment ! Puis deuxième tremplin à l'autre bout et ... deuxième ratage !! le stress fait place à l'énervement, je dois me parler intérieurement pour me calmer. Je me connais et je sais qu'avec un peu de temps ça va passer. Mais là, du temps, je n'en ai pas. Il y a déjà du public, il y a les organisateurs qui doivent se demander avec qui ils ont joué leur pognon ... et il y a toujours le regard de Fred qui "scanne" mes allers et retours sur la piste.

Je me fais violence car je sais que j'y arriverai, mais je dois y arriver au plus vite. Je reprends ce satané tremplin et je l'insulte au passage ... ça y est, je tiens sur mes deux roues, mais je ne suis pas du tout aligné dans ce virage, et je dois bagarrer dangereusement avec la direction et l'auto qui sautille au risque de me coucher ... enfin je suis droit mais j'ai "gaspillé" la moitié de la longueur de la piste ! Ensuite heureusement, les passages se succèdent, de plus en plus propres. Fred me rejoint même avec sa voiture pour me coller en pare-chocs contre pare-chocs sur deux roues. Fin des essais, débriefing rapide : je suis un peu dubitatif, mais Fred me rassure : - t'inquiète, ça va le faire !

Et ça le fait ! le spectacle se passe bien, le public semble réceptif, bien sûr, je me rate une ou deux fois encore à la sortie du tremplin N°1, mais les passages sont quasiment tous réussis.

Puis, c'est la partie moto, le temps pour moi de préparer mon entrée avec la Fiat ... qui semble bien amuser le public ... et Fred d'ailleurs !

Fred et sa petite équipe familiale terminent enfin tout le programme sans coup férir, que du bon boulot !

Fin de journée, avant de nous quitter, je demande à Fred si j'ai réussi "l'examen" : apparemment oui, car Fred me conseille un micro-casque pour mon numéro comique, pour la prochaine fois ... ah bon, la prochaine fois ?

Rencontre avec des gens biens

 

Une fois n'est pas coutume. Aujourd'hui, je voudrais vous raconter une belle histoire... mais une histoire vraie, pas un de ces contes à dormir debout, enfin ... pour s'endormir couché, non, l'histoire d'une rencontre ... mais revenons au début !

Un dimanche de mai 2011, j'ai l'occasion de rencontrer une troupe de cascadeurs professionnels venant se produire sur le site du circuit automobile d'Albi : le MOTOR SHOW CASCADEURS. A leur programme, auto, moto, quad, mais surtout leur spécialité : présentation de gigantesques "big-foots".

Nous sympathisons un peu, discutant de notre passion commune, mais au moment de se quitter, je leur dis bêtement :

- " vous roulez en acro avec des OPEL Kadett ?

- oui, pourquoi ?

- j'en ai deux ou trois à vendre, avec des pièces, si ça vous tente ... "

Je ne savais pas que grâce à cette petite proposition anodine qui les a interpelé grave, j'allais me faire de nouveaux copains ! car le hasard de leur tournée allait nous donner l'occasion de nous revoir très près de chez moi en Aveyron, d'abord à RODEZ, et ensuite à VILLEFRANCHE DE ROUERGUE, là où j'ai tous mes amis !

J'ai découvert une équipe compétente hyper professionnelle, et ça, ça pouvait se deviner aisément au regard de la qualité de leur matériel de spectacle, de transport et d'accompagnement. Avec tout un personnel animé de cet esprit du Cirque ...

J'ai surtout été reçu par tous ces hommes et ces femmes comme un des "leurs", du plus petit manoeuvre jusqu'au patron ! Même les enfants (qui sont aussi tombés dans la marmite comme Obélix) m'ont causé et respecté comme un cascadeur professionnel !

Evidemment, dans ce contexte, la transaction s'est effectuée sans la moindre tâche, payé pour mes Opel "au cul de la remorque".

Mais j'ai eu droit au bonus, et quel bonus ! Leur demandant du bout des lèvres si je pourrais faire un peu de deux-roues avec eux dans leur show à Villefranche de Rouergue, je me suis retrouvé immédiatement intégré dans l'équipe des pilotes acrobatiques, entre Yohan, le père et Alexandre Beautour le fils ! au sein des saints, quoi !

J'ai compris assez vite que je pourrais leur proposer d'ajouter mon numéro burlesque avec une voiture à gags "spéciale", et que je n'y risquerais qu'un refus poli de leur part ... réponse illico d'Alexandre Beautour : amène-là, ça va être sympa !

En tout, 3 représentations avec le MOTOR SHOW CASCADEURS, j'en ai encore la tête dans les étoiles ! 1 h 30 de spectacle et pas une seconde d'ennui ! Les numéros se succèdent sans attente grâce à une organisation sans faille, chacun à sa place, chacun son boulot, à la seconde près : du grand cirque, je vous dis ! Je ne pouvais même pas aider, j'aurais dérangé !

J'ai fait ce que j'ai pu sur deux-roues pour ne pas planter la bagnole (et le programme), une bagnole qui n'était pas des miennes, sur des terrains très délicats (surtout à RODEZ) et sans entraînement préalable, et j'ai fait de mon mieux avec ma voiture de clown pour plaire au public ... et aux Beautour ! là, j'ai peut-être marqué un point ... l'avenir nous le dira probablement.

J'ai surtout passé de merveilleux moments au sein de ces hommes et ces femmes, tous très attentionnés et ouverts à moi. Ils ont su me faire une place honorable dans leur quotidien avant et pendant les shows. Je veux citer bien sûr Alexandre Beautour et son père Yohan, Jesse, commentateur de grande classe et toujours à l'écoute, qualité rare chez un commentateur, mais aussi Mickaël mon guide, pilote de big-foot et bientôt en acro également avec Alex et Yohan, Anthony et tous les autres ... je les remercie encore pour leur accueil !

Alors ! prétentieux, les cascadeurs professionnels ? non, pas tous !

Mickey Carbo

Rémy Julienne : côté cinéma ...

 

Né en 1930 à CEPOY (45), Rémy Julienne ne se doutait pas qu’il deviendrait un jour le numéro 1 de la cascade du cinéma Français, et même étranger. Il embrassait alors une carrière nationale de pilote de motocross qui le conduisait à un titre de champion de France en 1957, catégorie 500 cc, puis à une place de second en Coupe (1960 et 1962, à 32 ans, pas pourri le gosse !). En 1964, un certain Gil Delamare cherche des pilotes moto pour un film, FANTOMAS, le repère et le recrute. A 34 ans, Rémy Julienne découvre le cinéma côté effets spéciaux, et sa prestation aux côté du grand Gil ne laissera pas indifférente la profession. A tel point que, suite à la disparition accidentelle de ce dernier en 1966, le cinéma Français trouvera en Rémy le digne successeur de Gil. C’est le début d’une carrière monumentale qui fera référence jusqu’à nos jours, et que ses fils Michel et Dominique prolongent sur le même modèle actuellement.

Julienne, pour moi, c’est un nom qui me fait vibrer depuis mes 10 ans, quand on commençait à citer les responsables d’effets spéciaux. A l’époque, un film n’était bon que si son générique mentionnait « Cascades Rémy Julienne ».

On peut aimer ou détester cet homme, dont le franc-parler et le ton professoral quasi permanent peuvent agacer parfois, mais quand le talent est là, le respect s’impose. Il a su gérer et monnayer son savoir-faire pour devenir et rester le meilleur metteur au point de scènes d’actions mécaniques. Il pouvait aussi bien s’adapter à toute demande même la plus farfelue du réalisateur, que proposer lui-même un programme inédit, préparé aux petits oignons.

 Sa filmographie est bien trop volumineuse pour être citée ici, reportez-vous à d’autre sites tels que Wikipédia, ou faites chauffer Google et vous serez servis. En fait, c’est simple : tous les grands films, toutes les cascades, c’est lui ! Les FANTOMAS, les GENDARMES, LA GRANDE VADROUILLE, L’OR SE BARRE (les 3 Austin Mini dans le métro), FANTASIA CHEZ LES PLOUCS, LE CASSE, PEUR SUR LA VILLE, LE GUIGNOLO, bref tous les « Belmondo » des années 70/80 ...

A partir de 1980, un nouveau pas est franchi avec six « James Bond », avec un Award remporté en 1982 !

En 1986, un MOTOR SHOW est monté en Italie, à Bologne : 1,6 million de spectateurs en 9 jours ! D’accord, nos amis italiens raffolent de la cascade, mais quand-même !

Fin des années 90, c’est l’aventure TAXI, avec ce malheureux drame où le caméraman Alain Dutartre y laissera la vie. En plus de 30 ans de carrière cinématographique, c’est semble-t-il le premier accident mortel sur une cascade réglée par Rémy Julienne. L’affaire a été jugée, et je n’ai pas envie ici d’animer le débat sur les responsabilités.

Parallèlement au cinéma, de nombreuses pubs sont signées Julienne : Fiat, Citroën, Goodyear...

Un livre autobiographique intéressant, sorti en 1978 chez Flammarion, à lire absolument : SILENCE, ON CASSE !

Depuis 2002, Rémy Julienne fait son show au  Parc Disneyland à Marne la Vallée. Une course-poursuite sans relâche, avec les bons et les méchants, autos-motos, dérapages, deux-roues, sauts, effets spéciaux ... ce spectacle a même été reproduit à Disney-MGM-Studio, en Floride !

L’entreprise Julienne continue avec ses fils Michel et Dominique, qui sont tombés dedans quand ils étaient petits ... Papa Julienne peut être fier, son nom continuera certainement longtemps d’arpenter les génériques !